sábado, janeiro 31, 2009



JesusMarie.com 
Apparitions de Damnés 
Abbé F. Chatel 
Personne n’est-il revenu de l’Enfer ? 
Imprimatur Mechliniæ, 29 Januarii 1922. J. Thys, can., lib. cens. Cahiers Scivias Québec, 2003



«L’Évangile nous parle plus souvent de l’enfer que du ciel» St Jean Chrysostome 

«Seigneur, ne m’envoyez pas en enfer!» Oraison jaculatoire de St Alphonse de Liguori 
  
  

Personne n’est-il revenu de l’Enfer? Nous devons tous craindre l’enfer Le saint Pape Pie IX disait un jour au cardinal Place: «L’une des premières causes de tous nos malheurs actuels, c’est qu’on ne prêche plus sur l’enfer.» II disait aussi à un prêtre qui donnait en France de nombreuses missions: «Prêchez beaucoup les grandes vérités du salut. Prêchez surtout l’enfer... dites bien clairement, bien hautement, toute la vérité sur l’enfer. Rien n’est plus capable de faire réfléchir et de ramener à Dieu les pauvres pécheurs.» 

Le souvenir des châtiments éternels n’est pas moins nécessaire aux personnes pieuses et aux âmes consacrées qu’aux pécheurs, et les saints eux-mêmes se les rappelaient fréquemment. En effet: «Il vient des jours, écrit sainte Thérèse, où ceux mêmes qui ont fait à Dieu un don absolu de leur volonté et qui, plutôt que de commettre une imperfection, se laisseraient torturer et subiraient mille morts, ont besoin de se servir des premières armes de l’oraison. Ils se voient attaqués de tentations et de persécutions si violentes, qu’il leur faut, pour éviter l’offense de Dieu et se garder du péché, considérer que tout finit, qu’il y a un ciel et un enfer, s’attacher enfin à des vérités de ce genre.» 

Quoi d’étonnant, puisque, dit très bien Mgr Gay: «Nous sommes ainsi faits, que l’imminence d’une rage de dents a parfois plus de vertu, pour nous retenir sur une pente, que le souvenir de la présence de Dieu ou la vue de notre crucifix. Bien plus efficace est incontestablement, pour la plupart des âmes, le souvenir des supplices de l’enfer. Si Notre-Seigneur, comme l’observe saint Jean Chrysostome, nous a parlé plus souvent de l’enfer que du ciel dans l’Évangile, c’est qu’il savait que la crainte de ses tourments a plus de prise sur la masse des chrétiens, que l’espérance du ciel ou l’amour de Dieu. 

Dans ces pages, nous nous proposons d’abord de réveiller la sainte crainte de l’enfer, en relatant des apparitions de damnés. «Les exemples, dit saint Thomas, nous touchent plus que les paroles.» Nous nous proposons ensuite, et d’une manière spéciale, comme l’indique le titre de cette brochure, de répondre à l’objection suivante de bien des incrédules: Il n’y a pas d’enfer personne n’en est revenu. Quelles que soient les exigences de la critique moderne, les faits que nous relaterons méritent tout à fait créance. 

On nous objectera peut-être que nous ne convertirons personne en racontant des apparitions de damnés, puisque Jésus-Christ a dit dans l’Évangile, en parlant des cinq frères du mauvais riche: «S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, quand même quelqu’un ressusciterait d’entre les morts, ils ne croiront pas.» 

Nous répondons: 1° En parlant de la sorte, Notre-Seigneur s’est proposé d’apprendre à ses disciples que, malgré ses miracles, les Pharisiens ne se convertiraient pas. — 2° Il est certain, comme nous le verrons dans la suite, que les apparitions de damnés peuvent faire le plus grand bien aux âmes, soit en convertissant les pécheurs, soit en déterminant les justes à vivre saintement. 

Daigne le Seigneur accorder à tous ceux qui liront ces pages, ainsi qu’à celui qui les a écrites, la grâce de tellement craindre l’enfer, qu’ils n’y descendent pas au sortir de cette vie. «Celui qui craint constamment l’enfer, dit saint Jean Chrysostome, ne sera pas la proie de ses flammes, car il sera maintenu dans le devoir par cette crainte salutaire.» 

Faisons souvent cette prière qui était familière à saint Alphonse de Liguori: «Seigneur, ne m’envoyez pas en enfer!» 

L’enfer d’après l’Évangile et la théologie Nous lisons dans la Vie du P. Faber, le plus grand des écrivains ascétiques du dix-neuvième siècle, que son avant-dernier sermon se termina par ce remarquable passage: «La plus fatale préparation du démon pour la venue de l’Antechrist, c’est l’affaiblissement de la croyance des hommes au châtiment éternel. Ces paroles fussent-elles les dernières que je vous dirai jamais, souvenez-vous qu’il n’y a rien que je voudrais imprimer plus profondément dans vos âmes, aucune pensée de foi, après celle du Précieux Sang, qui vous soit plus utile et plus profitable, que celle du châtiment éternel.» 

C’est à cause de cette importance capitale du souvenir des châtiments éternels, que nous jugeons expédient, avant de relater des apparitions de damnés, de rappeler brièvement à nos lecteurs les enseignements de l’Évangile et de la théologie sur l’enfer. 

1. — Il est de foi que l’enfer existe, ainsi que le prouvent maints passages de l’Évangile. 

2. — Il est de foi que les damnés subiront la double peine du dam et du sens. Au jugement dernier, Jésus-Christ dira aux réprouvés: «Retirez-vous de moi, maudits, allez au feu éternel.». 

Il est certain que le feu de l’enfer est un feu, non pas métaphorique, mais réel, car, dit saint Thomas, un châtiment corporel peut seul s’adapter à la nature des corps des réprouvés. Le 30 avril, la Sacrée-Pénitencerie a décrété qu’un confesseur ne peut absoudre le pénitent qui s’obstinerait à penser que le feu de l’enfer est métaphorique, et non réel. 

3. — Il est de foi que les peines de l’enfer ne seront pas égales pour tous les damnés, mais seront proportionnées à la gravité et au nombre de leurs péchés. Cette vérité a été définie par le Concile de Florence. 

4. — Il est de foi que l’enfer est éternel. Jésus-Christ nous dit dans l’Évangile: «Ceux-ci (les réprouvés) iront au supplice éternel, mais les justes à la vie éternelle.» Si l’enfer n’était pas éternel, Dieu n’aurait pas suffisamment sanctionné sa loi, car, dit très bien un théologien moderne: «L’homme est ainsi fait, que le définitif et l’éternel réussissent seuls à contenir la violence de ses passions.» 

5. — Il est de foi que tous les adultes sans aucune exception seront sauvés ou damnés, car tous les hommes ressusciteront à la fin du monde et seront jugés par Jésus-Christ; après quoi: «Ceux-ci (les réprouvés) iront au supplice éternel, mais les justes à la vie éternelle». Il faut entendre par justes ceux-là seuls qui jouiront de la grâce sanctifiante. Comme on le voit il n’y a de lieu intermédiaire entre le ciel et l’enfer que pour les enfants morts sans baptême. 

6. — Il est de foi que les âmes de tous ceux qui mourront en état de péché mortel, n’eussent-ils commis qu’une seule faute grave, descendront, immédiatement en enfer. Cette vérité a été définie par le pape Benoît XII. 

Toutes les vérités précédentes sont terribles; mais n’est-ce donc rien que d’offenser gravement la très haute et très sainte majesté de Dieu, de fouler aux pieds le sang de Jésus-Christ, de profaner le temple du Saint-Esprit et de l’en chasser indignement, d’abuser de la grâce, de préférer la créature à Dieu, de répondre à ses bienfaits par la plus noire ingratitude, et de ne pas atteindre la fin pour laquelle notre âme a été créée? 

Fuyons le péché; rentrons immédiatement en grâce avec Dieu, quand nous avons eu le malheur de l’offenser; efforçons-nous de vivre saintement, et nous éviterons l’enfer. Notre-Seigneur disait un jour à sainte Thérèse: «Ma fille, personne ne se perdra sans le savoir.» Daigne le Seigneur, chers lecteurs, nous accorder à tous d’aller chanter éternellement ses infinies miséricordes dans le ciel! 

Apparitions de damnés «Je suis damné pour une éternité!» 

«Le bienheureux Pierre de Jérémie naquit à Palerme, l’an 1381, de parents illustres par leur noblesse et leur piété. Sa mère lui fit sucer la dévotion avec le lait. À l’âge de dix-huit ans, il se rendit à Bologne pour y étudier le droit. Ayant achevé son cours, il se prépara à recevoir le bonnet de docteur. 

Une nuit, il entendit soudain frapper rudement à la fenêtre de sa chambre. Une frayeur secrète le saisit. Il ne pouvait croire à une simple attaque nocturne: sa chambre était au troisième étage. Pendant qu’il s’interroge sur la cause d’un tel bruit, les coups se renouvellent avec plus de force. Son sang se glace dans ses veines; n’osant sortir du lit pour ouvrir la fenêtre, il demande en tremblant: «Qui frappe?» Aussitôt une voix lugubre répond: «Pierre, je suis un tel, votre parent. Après avoir pris le bonnet de docteur en droit, j’exerçai la charge d’avocat avec beaucoup de réputation. Malheureux que je fus, je me chargeai de causes très injustes, pour m’acquérir de l’honneur et du bien aux dépens de ma conscience! Je me suis trouvé sans avocat devant le tribunal redoutable de Dieu, et j’ai été condamné aux peines éternelles. Je suis damné, damné pour une éternité! Dieu m’a envoyé vous donner cet avertissement: fuyez, fuyez les tribunaux des hommes, si vous désirez être acquitté devant le tribunal de Dieu!» Pierre, étrangement effrayé, fit les plus sérieuses réflexions. Quoi, se dit-il, j’irais risquer mon âme et mon éternité pour des biens si fragiles, pour des honneurs imaginaires et pour des plaisirs passagers et trompeurs? Il forma dès ce moment la résolution de se consacrer à Dieu, et fit voeu de chasteté perpétuelle. 

Après avoir demandé à Dieu dans quel Ordre religieux il devait entrer pour le servir toute sa vie en esprit et en vérité, il se sentit intérieurement appelé à l’Ordre des Frères-Prêcheurs. Il suivit cette inspiration. C’était en l’année 1400. 

Pierre de Jérémie, ou de Palerme devint un grand saint, un grand prédicateur et un grand théologien. Il mourut le 3 mars 1452. (Année Dominicaine, Lyon, 1883, t. 5: 10 Mars. — Cf. Acta Sanctorum, editio Palmé, t. 7,.p. 292.) 

Prince damné pour son impénitence 

Pendant le feu des guerres dont la Péninsule fut le théâtre, au XVIe siècle, entre les Italiens, les Français, les Espagnols et les Allemands, la bienheureuse Catherine de Racconigi, dominicaine, multipliait ses prières en faveur de la paix. Notre Seigneur lui apparut un jour et lui dit: «Je suis venu du ciel en terre pour y apporter les semences de la paix; mais les hommes le rejettent et provoquent mes châtiments par leur inconduite, leur orgueil et leur obstination. — Ô mon espérance reprit l’humble fille, vous pourriez les convertir et les ramener à vous. — Ce que tu dis est vrai, mais ce procédé ne convient pas à ma justice, et je respecte leur libre arbitre. Résistant à toutes mes avances, ils se rendent indignes de recevoir la plénitude de ma miséricorde. Et pour que tu reconnaisses la vérité, de ma parole, je veux que tu reprennes de ma part tel prince, et que tu lui annonces sa mort prochaine et sa damnation, s’il n’a hâte de changer de vie.» 

À l’instant même, une main invisible la souleva et lui fit franchir, avec la rapidité de l’éclair, un espace de cent soixante milles. Le prince se promenait seul dans une salle, quand la bienheureuse parut devant lui. «Au nom du Sauveur Jésus, lui dit-elle, cessez, je vous en prie, d’entretenir le feu de la discorde et de la guerre dans la république chrétienne.» 

En voyant une femme entrer tout à coup et lui parler de la sorte, le prince se troubla, et pensant qu’il avait affaire à un esprit surnaturel: «Ne serais-tu pas le diable, venu pour me tenter?» lui dit-il. — Ni le diable, ni aucun esprit, reprit Catherine, mais une simple fille envoyée de Dieu pour vous avertir de votre perte éternelle, si vous ne vous arrêtez sur le chemin où vous courez.» Là-dessus, elle disparut, le laissant rempli d’épouvante. 
Loin de profiter de l’avertissement, le prince persévéra dans ses mauvaises dispositions et mourut impénitent. Il fut donné à la sainte d’être témoin des opérations de la justice divine sur ce damné. Transportée auprès de ce malheureux, elle le vit dans les tourments de l’enfer. «Me reconnaissez-vous?» lui dit-elle. — «Oui, tu es Catherine de Racconigi: c’est toi qui m’as annoncé ma mort prochaine et la damnation que je subis en punition de mon impénitence. — Ô infortuné, reprit-elle, si vous aviez fait ce que je vous disais au nom de Jésus-Christ, vous seriez maintenant dans le royaume des élus!» 

Jeune fille damnée pour ses mauvaises confessions 

«Dans la mission d’Itatina, au Pérou, sous le Père Samaniego, de la Compagnie de Jésus, arriva un fait inouï, qui fut connu de tous les habitants de la ville, et certifié par tant de témoins oculaires et auriculaires, qu’on ne peut douter de sa vérité. 

Dans la maison d’une dame considérable, se trouvait une jeune fille de seize ans, qui avait été prise pendant la guerre, et que l’on avait nommée Catherine au saint baptême. À mesure qu’elle grandissait, elle devenait plus dissolue, quoiqu’elle fût punie souvent par sa maîtresse. Elle en vint à entretenir en secret un commerce criminel avec quelques jeunes libertins. Cependant, elle continua, malgré cela, d’aller à confesse, mais en cachant par honte ses péchés. 

Étant tombée malade en août 1590, elle fit venir un Père jésuite pour se confesser, mais elle le fit superficiellement. Le Père étant revenu neuf fois la voir, elle dit devant les autres domestiques qu’elle avait bien été obligée de s’y résigner; puis elle ajouta d’autres paroles inconvenantes que, tout scandalisés, ils rapportèrent à leur maîtresse. Celle-ci vint et gronda Catherine comme elle le méritait; puis, prenant une expression et une voix plus douces, elle demanda avec bienveillance à la malade quelle chose elle avait cachée. Celle-ci lui raconta tout sans difficulté, et ajouta que toutes les fois qu’elle avait appelé le confesseur, elle avait aperçu à sa gauche un Nègre qui lui conseillait de ne pas déclarer ses péchés, parce qu’ils n’avaient aucune importance, et que le prêtre, si elle les lui disait, la tiendrait pour une personne dissolue, tandis que sainte Marie-Madeleine était à sa droite et l’engageait à tout dire. 

Sa maîtresse fit venir encore une fois le missionnaire et lui raconta ce qui s’était passé. Il fit de son côté ce qu’il put pour exciter Catherine à une pénitence sincère et parfaite, mais tout fut inutile. Plus il l’exhortait, plus elle se montrait rebelle; de sorte qu’elle ne voulait pas même prononcer le nom de Jésus. On lui présenta un crucifix, afin qu’en le regardant elle se rappelât que Notre-Seigneur était mort pour elle; mais elle dit avec impatience: «Je sais tout cela, que voulez-vous donc?» Cette dame lui répondit: «Que tu t’adresses à Notre-Seigneur qui te pardonnera tes péchés, si tu les confesses sincèrement. — Je vous en prie, dit Catherine, ne m’ennuyez plus de ces choses!» 

Sa maîtresse étant partie, elle se mit à chanter des chansons amoureuses et impudiques. Elle persévéra dans cet état, plusieurs jours et plusieurs nuits, jusqu’à ce qu’enfin, une nuit, elle fit venir, près de son lit, sa patronne et les autres servantes, et leur dit: «J’éprouve de cruels remords, surtout à cause de mes confessions sacrilèges.» Depuis ce moment jusqu’à minuit, tous ses membres devinrent raides, de sorte qu’on la crut morte et qu’on se préparait déjà à l’ensevelir. 

Elle revint à elle cependant, et le Père ayant été appelé de nouveau, elle persévéra dans son impénitence. Au bout de trois heures, ses compagnes l’ayant engagée à prendre dans ses mains le crucifix et le cierge des agonisants en invoquant le nom de Jésus: «Quel est ce Jésus? dit-elle. Je ne le connais pas.» En même temps elle se cacha dans le fond de son lit, où on l’entendit causer avec un personnage invisible. Une autre servante qui était au lit, malade, dans la même chambre, pria sa maîtresse de la faire porter dans un autre appartement, parce qu’elle voyait autour d’elle des fantômes noirs qui l’épouvantaient. Dans la nuit où mourut Catherine, toute la maison fut remplie d’une odeur tellement infecte, qu’on fut obligé d’exposer le cadavre en plein air. Le frère de l’hôtesse fut tiré de sa chambre par le bras. Une domestique reçut sur ses épaules quelque chose qui ressemblait à de la chaux, de sorte qu’elle en porta les marques pendant plusieurs jours. Un cheval, très tranquille 
auparavant, devint furieux et se mit à frapper des pieds les murs de son écurie pendant toute la nuit; les chiens, de leur côté, ne firent qu’aboyer et courir. 

Lorsque le cadavre fut enterré, une de servantes étant entrée dans l’appartement où Catherine avait été malade, vit, sans apercevoir personne, voler vers elle un vase qui était en haut sur une planche. La ville et les environs virent des tuiles et des ardoises lancées à plus de deux mille pas avec un bruit épouvantable, quoiqu’il n’y en eut point dans la maison, car elle était couverte de feuilles de palmier, comme presque toutes les habitations du pays. Une domestique fut, en présence de toutes les autres, tirée par la jambe, sans qu’on vît personne. Une autre, étant allée, le 7 octobre, chercher un vêtement dans le vestiaire, vit Catherine se lever et prendre un vase. Comme elle se sauvait épouvantée, le vase frappa derrière elle avec une telle force contre le mur qu’il se brisa en mille morceaux. 

Le lendemain, une croix, dessinée sur le papier qui était attaché au mur de cette chambre, fut arrachée en présence de tous et déchirée en trois morceaux. Le même jour, pendant que la maîtresse soupait dans le jardin, une moitié de tuile tomba sur la table et la renversa. Un petit enfant de quatre ans, qu’elle avait, se mit en même temps à crier: «Maman, maman, Catherine m’étrangle!» On ne put le délivrer qu’en lui suspendant au cou des reliques. Tout cela contraignit cette dame à quitter sa maison et à se retirer chez une de ses parentes, après y avoir laissé quelques servantes pour la garder. 

Le 10 du même mois, comme une de celles-ci entrait dans la salle à manger, elle s’entendit appeler trois fois par Catherine. L’épouvante dont elle fut saisie lui ôta toutes ses forces. Les autres lui ayant conseillé d’invoquer le secours de Dieu et de retourner ensuite avec un cierge allumé au lieu où la voix l’avait appelée, elle le fit, accompagnée de deux autres plus courageuses. 

Lorsqu’elles furent arrivées dans la salle, elles entendirent Catherine dire à la première qu’elle devait éloigner ses compagnes, jeter le cierge, parce qu’il lui faisait mal, et rester seule. Le fantôme exhalait une puanteur incroyable et jetait des flammes par toutes les jointures; sa tête et ses pieds étaient en feu, et, comme châtiment symbolique de son libertinage, elle avait autour des reins une ceinture enflammée, large de huit à dix doigts, qui tombait jusqu’à terre. La servante pâlit et trembla lorsqu’elle entendit le spectre lui dire: Approche-toi donc! Je t’ai déjà appelée tant de fois!» Celle-ci lui répondit sans trop savoir ce qu’elle disait: «Bon Jésus! comment ne pas être épouvantée en te voyant?» Comme elles parlaient ensemble, un bel enfant vêtu de blanc apparut à la domestique, et lui dit de prendre courage et de bien remarquer ce que Catherine lui dirait, afin de le rapporter aux autres, puis d’aller aussitôt à confesse pour se purifier de toutes ses fautes. 

Là-dessus Catherine lui dit: «Sache que je suis damnée, et que je souffre horriblement, parce que je n’ai déclaré dans mes confessions que les fautes le plus légères, m’accusant, par exemple, d’avoir trop parlé, d’être portée à la colère, tandis que je cachais les péchés les plus graves, et particulièrement mes relations criminelles. Apprends donc, par mon exemple, à te confesser mieux que moi et à ne rien cacher. C’est Dieu qui m’ordonne de te donner cet avertissement, pour que tu le rapportes aux autres.» 

On entendit alors sonner l’Angelus, et le spectre se cacha dans un coin et disparut; mais l’enfant dit à la servante de retourner vers les siens, et elle le fit.» 

Ce fait est relaté par le P. François Benci, jésuite, dans les Lettres annuelles de la Compagnie de Jésus (1590-1591, p. 762 et suiv.): «Ce fait, dit-il, est d’autant plus certain qu’il a eu lieu plus récemment.» (Cf. P. Verdun: Le Diable dans les Missions, t. 1, ch. 2, p. 29 et suiv.) 

«Je brûle à présent en enfer.» 

Nous lisons dans la vie du B. Richard de Sainte-Anne: «Il arriva dans la ville qu’il habitait (l’historien contemporain ne la cite pas, mais nul doute que ce ne fût Bruxelles), il arriva que deux étudiants, dissolus et scandaleux, projetèrent de se rendre avec quelques compagnons dans une maison de débauche. Il y passèrent une partie notable de la nuit. L’un des deux dit à son compagnon: «Retournons, j’en ai assez. — Et moi, pas encore», lui répondit l’autre. Le premier le quitte, s’en retourne à son appartement, et, sur le point de se coucher, se souvient de l’hommage quotidien qu’il rendait à la sainte Vierge. Bien qu’il fût plus disposé à dormir qu’à prier, il s’acquitta de sa pratique de dévotion tant bien que mal. 

À peine est-il couché qu’il entend frapper à la porte de sa chambre. Une deuxième, une troisième fois, il entend des coups sans vouloir ouvrir, quand, soudain, la porte demeurant close, il voit entrer son compagnon de débauche qu’il venait de laisser dans la maison de scandale. À son aspect, il demeure muet, tant il est saisi d’étonnement. Me reconnais-tu?» lui demande l’infortuné, après un moment de silence. «En vérité, à voir votre figure et à entendre votre voix, vous êtes le compagnon que j’ai quitté tout à l’heure; mais votre apparition si soudaine et si surprenante m’en faisait douter.» Le mystérieux visiteur pousse un long soupir. — «Sache, dit-il, que tandis que nous nous vautrions dans la boue de nos impudicités dépouillant toute crainte de Dieu, Satan nous intentait un procès au tribunal divin, et réclamait contre nous deux une sentence de damnation. Le Souverain Juge lui accorda cette sentence, et il ne s’agissait plus que de l’exécuter, mais la Vierge, ton avocate, s’est interposée en ta faveur, d’autant plus qu’à ce moment-là même, tu t’es mis en devoir de l’invoquer. Aussi ton jugement est différé, mais le mien est exécuté, car, au sortir de cette maison où j’ai commis mes crimes, le diable m’a étouffé et, m’arrachant l’âme du corps, m’a entraîné en enfer où je brûle, à présent!» Ce disant, il découvre son sein et le montre rongé de vers et dévoré par le feu. Alors, laissant après lui une horrible puanteur, il disparut. 

Le jeune homme était dans la stupeur et demeura à demi mort à ce spectacle. Revenu à lui, il se prosterna contre terre, rendit grâces à son auguste Avocate, pleura amèrement ses égarements et promit de s’amender sérieusement désormais. 

Au moment même, il entend la cloche sonner les Matines de minuit au couvent voisin des Frères Mineurs, et faisant de graves réflexions jusqu’au matin sur le genre de vie de ces anges de la terre qui prient et expient pour les autres, il projette de s’y rendre à la pointe du jour. À peine fit-il clair qu’il y courut, et se jetant aux pieds du Père Gardien, lui raconta l’événement et sollicita avec insistance la faveur d’être admis dans l’Ordre. 

On résolut d’abord d’aller contrôler le fait dans le lieu où il s’était passé. On y trouva, en effet, le corps du malheureux, hideux, repoussant, gisant par terre. On le traîna à la voirie pour y être enfoui comme le cadavre d’un animal. 

Le jeune converti fut ensuite reçu dans l’Ordre de Saint-François, y donna de rares exemples de vertu et particulièrement de dévotion envers la sainte vierge Marie. 

Cet événement arriva en 1604; le bienheureux Richard, qui avait alors dix-neuf ans, en fut, dit-il, spectateur, et c’est lui-même qui en fit plus tard le récit au Père d’Andreda, théologien de la Compagnie de Jésus, qu’il rencontra en Espagne. 

Tel fut l’aiguillon qui le stimula et le détermina à devenir Frère-Mineur Récollet. Il reçut l’habit franciscain en cette même année 1604 au couvent de Nivelles. Il fut martyrisé au Japon en 1622. Ce trait est cité par le P. Bouvier dans la vie du Bienheureux, qu’il publia cinquante ans seulement après son martyre. Le P. Sébastien Bouvier, né à Fosses, dans la province de Namur, mourut au couvent des Récollets, à Namur, le 3 avril 1681. 

Vie du Bienheureux Richard de Sainte-Anne d’Ham-sur-Heure, des Frères-Mineurs, martyrisé au Japon, par le P. Bouvier, retouchée et complétée par le P. Lejeune, C. SS. R.; Société de Saint-Augustin, 1899; ch. 2, p. 20 et suiv. 

«Où est-tu? En enfer! en enfer!» 

Des traits frappants de la justice de Dieu ne sont pas rares dans la vie de saint François de Geronimo, célèbre missionnaire de la Compagnie de Jésus. Le plus effrayant et le plus extraordinaire de tous arriva à Naples vers 1705, dans un intervalle de ses missions dans les Abruzzes. Il avait conduit ses congréganistes pour la mission accoutumée dans une rue des quartiers, non loin de l’église appelée la Trinité des Espagnols. Là demeurait une courtisane du nom de Catherine, plus scandaleuse et plus effrontée que les autres. François s’était placé en face de sa maison; il était environné d’une foule nombreuse et avide de l’entendre. Mais cette prédication était pour Catherine un supplice intolérable; la voix du prédicateur réveillait trop vivement ses remords. Pour les étourdir et pour se venger du missionnaire, elle se mit à le troubler, par des chansons et des cris accompagnés d’instruments bruyants. La foule était indignée; tous les regards se portaient vers cette femme scandaleuse qui insultait à la morale publique et à la religion. François descend de son estrade et va frapper avec autorité à la porte de cette maison de scandale, mais en vain; elle ne s’ouvre pas et le bruit redouble. Alors, élevant la voix: «Catherine, s’écria le saint d’un air inspiré, Catherine, avant huit jours, Dieu te punira.» 

Dieu se chargea, en effet, d’accomplir la menace de son ministre. Huit jours plus tard, François était venu prêcher au même endroit. Déjà les congréganistes avaient chanté le Dio ti salvi; la maison de scandale était silencieuse, les fenêtres fermées. François en commençant à parler, témoigne d’abord son étonnement de ne plus entendre le même tumulte; puis il demande ce que Catherine était devenue. Elle est morte, lui répond un des assistants; elle est morte hier sans sacrements et sans repentir; on va la porter en terre profane. — Elle est morte! reprend le saint; Dieu a donc vengé l’outrage fait à sa parole. Et elle est morte dans l’impénitence! ô malheur! ô terribles jugements de Dieu!» Il ajoute encore quelques mots sur les châtiments de l’autre vie; puis, comme par une inspiration subite: «Allons voir Catherine», dit-il. 

Il s’élance vers la maison, il monte l’escalier et suivi de tous ceux qui peuvent entrer, il s’approche de l’endroit où était le cadavre; il le contemple, et saisi de l’Esprit de Dieu: «Catherine, s’écrie-t-il, réponds-moi, où es-tu maintenant?» II fait deux fois la même question sans obtenir de réponse. Mais à peine a-t-il répété une troisième fois: «Catherine, où es-tu?» qu’à la vue de tous les assistants le cadavre agite ses lèvres et fait entendre ces lugubres paroles: «En enfer! en enfer!» Que l’on juge de la terreur dont tous furent saisis; on s’empressa de fuir ce lieu d’horreur, et en se retirant, François répétait avec effroi: «En enfer! ô Dieu juste! ô Dieu terrible! en enfer!» 

Un de ceux qui rendirent témoignage de ce fait miraculeux devant le tribunal apostolique termine son récit par ces paroles: 

«Et je le dis en vérité, ce miracle, que j’ai vu de mes propres yeux, me fit une telle impression, que maintenant encore, pendant que je l’atteste à vos Seigneuries Illustrissimes, il me semble voir la dite Catherine sur son lit et entendre ces paroles qu’elle prononça: «Je suis en enfer!» Et chaque fis que je passe devant la maison qu’elle habitait, ce miracle me revient à l’esprit et m’inspire des pensées de frayeur et de componction.» 

Cet événement, unique dans l’histoire des saints, est de la plus grande authenticité. Les témoins ont assuré devant les juges ecclésiastiques qu’il était de notoriété publique. Le Père Stradiotti, qui publia la vie du saint trois ans seulement après sa mort, le rapporte comme indubitable. 

(Histoire de saint François de Geronimo, de la Compagnie de Jésus, par le P. Bach, S. J., l. 6, n. 4.) 

Une femme damnée soufflète sa fille 

Nous lisons le trait suivant dans la vie de la soeur Marie-Angélique Doublet, visitandine, morte à Paris en 1726: 

«À peine se fut-elle consacrée pour jamais au service de Dieu par les saints voeux, que la Mère Louise-Eugénie de Fontaines la destina, d’après l’avis de saint Vincent de Paul, au service des Filles repenties de la Madeleine, preuve bien sensible de l’estime qu’ils faisaient de sa vertu et de sa capacité. 

Un jour, le confesseur de la maison vint la demander et lui dit: «Ma soeur, j’ai beaucoup souffert cette nuit au sujet d’une fille dont vous avez soin: j’ai vu sa mère, qui m’a dit être damnée à cause d’elle, et prête à lui reprocher sa damnation.» 

La soeur alla chercher cette pauvre fille, et aussitôt celle-ci lui raconta que la nuit même, sa mère lui était apparue et l’avait souffletée en lui disant: «Misérable, c’est à cause de vous que je suis damnée; si vous ne changez, vous le serez comme moi!» La repentie ajouta qu’elle souffrait excessivement de la tête, à cause du soufflet de sa mère, et qu’elle désirait de tout son coeur se convertir. La soeur Marie-Angélique, secondant ces heureux mouvements de la grâce, la prépara à une bonne confession, et la vit avec joie soutenir, durant deux ans, l’exercice d’une solide mortification. 

Cependant, son mal de tête faisait un progrès considérable, sans que les médecins pussent y reconnaître une cause extérieure. La douleur, devint si vive, qu’un de ses yeux lui sortit de la tête. On put admirer alors l’entière résignation à la volonté de Dieu de cette pénitente. Cet accident détermina les chirurgiens à une opération; elle soutint cette opération avec une patience héroïque. On lui trouva une partie de la cervelle et du crâne brûlé; il est à remarquer que c’était du côté opposé à celui où le soufflet avait été donné. Enfin, elle se prépara à la mort dans les sentiments de la plus vive reconnaissance envers la divine miséricorde et dans des actes d’amour de Dieu si ardents et si parfaits, qu’elle enflammait toutes les personnes qui l’assistaient en ce dernier passage.» 

(Année Sainte de la Visitation; t. 3, p. 198 et suiv.) 

Converti par une damnée 

Le fait suivant est raconté par Mgr Gaume dans son ouvrage: Les trois Rome (T. III: 28 février). 

«À l’âge de seize ans, saint Alphonse de Liguori fut reçu par acclamation docteur de l’université de Naples; ce brillant succès ne l’éblouit pas un instant. Jaloux de conserver la pureté virginale de son coeur, dont l’orgueil est le plus dangereux ennemi, le saint jeune homme se retirait souvent dans la solitude pour y fortifier sa vertu. Son asile privilégié était la maison des Lazaristes, connus à Naples sous le nom de Missionnary della Vergine. 

Or, j’avais beaucoup fréquenté à Paris un de ces vénérables enfants de saint Vincent de Paul, qui résidait alors à Naples. Quelques jours avant le voyage de Nocéra, j’étais allé lui rendre visite. Avec une cordialité que je n’oublierai jamais, le bon père F... me fit les honneurs de la maison. Après m’avoir montré l’église, la chapelle intérieure, les jardins, les cloîtres, etc.: «Maintenant, me dit-il, il faut que je vous fasse voir une cellule qui est pour nous un précieux sanctuaire;» et il m’ouvrit la modeste chambre dans laquelle le jeune de Liguori venait faire sa retraite annuelle. «Peut-être, ajouta l’aimable vieillard, ne seriez-vous pas fâché de faire connaissance avec le prédicateur qui convertit saint Alphonse? Il est chez moi, venez.» 

Nous entrâmes dans la chambre du missionnaire, qui me fit asseoir près de lui, en face d’un tableau couvert d’un voile épais. Ce tableau, me dit-il, est à la Mission depuis environ cent ans; il nous a été envoyé par un de nos pères de Florence. La vérité du fait qu’il rappelle est attestée par des preuves toujours visibles, par le témoignage de nos Pères de Florence et par la déposition jurée du héros de cette effrayante histoire; nous conservons dans nos archives le procès-verbal authentique de tout cela. Donc un vieillard de Florence entretenait depuis longtemps des rapports criminels avec une femme. Après une résistance opiniâtre à la grâce, il se convertit; mais la femme demeure impénitente; elle meurt. Or, un soir que cet homme était en prières dans sa chambre, au pied d’une grande image de Notre-Seigneur en croix, il entend autour de lui comme le bruit d’un ouragan; du milieu du bruit une voix lugubre, la voix de la femme, lui crie: «Je suis damnée! Par la permission de Dieu, je viens vous donner une marque de l’activité du feu qui me brûle.» À l’instant, deux mains de feu sont imprimées, avec les cinq doigts, sur le tableau, qu’elles percent de part en part. En prononçant ces paroles, le Père lève le voile, et je vois, en effet, sur la vieille gravure, l’empreinte de deux mains brillantes, qui ont enlevé, comme un emporte-pièce, le papier touché, tandis que les parties voisines sont parfaitement intactes: circonstance qui, aux yeux mêmes de la science, rend le fait humainement inexplicable. Le talon des mains a porté sur le cadre, qu’il a carbonisé avec la même précision. Tout cela est horrible à voir. 

Dans une retraite, continua le père F., on montra publiquement ce tableau. Vous jugez de l’impression qu’il produisit sur un coeur comme celui d’Alphonse. Quoique déjà tout à Dieu, le saint jeune homme ne cessait de répéter: C’est à ma retraite aux Missionnaires della Vergine que je dois ma conversion.» 

Ce trait fut aussi relaté dans la Vie de saint Alphonse par le célèbre P. Tannoya, qui vécut longtemps avec lui. (Mémoires sur la vie et la Congrégation de S. Alphonse-Marie de Liguori, par le P. Tannoya, t. 1, l. 1, ch. 5.) 

Aïeul, père et fils damnés 

Le fait que nous allons rapporter est inédit et tout à fait extraordinaire. Nous le tenons d’un vénérable religieux de la Compagnie de Jésus, très avancé en âge, le R. P. Pichot, qui nous a permis de publier la lettre suivante dans laquelle il nous l’a relaté. Angers, 9bis, rue du Quinconce, jeudi saint, 13 avril 1911. 

Monsieur le Curé. 

Voici le fait que vous a, sans doute, mentionné Monsieur l’abbé Saudreau. 

J’étais à Clamart, près de Paris, en 1890 ou 1891, quand il m’a été raconté par un vénérable et saint prêtre déjà âgé. Il avait été vicaire autrefois dans le diocèse de Bourges, et y avait exercé quelque temps le saint ministère avec fruit. Aussi avait-il laissé dans le Berry, un édifiant souvenir. Vous le voyez, mon narrateur est digne de foi. Or, voici le fait que lui a raconté un prêtre du même diocèse, contemporain de la grande révolution de 1793, et pendant ces mauvais jours, non pas évadé de France, mais resté dans ce même diocèse, afin de visiter, la nuit surtout, les pauvres catholiques, la plupart sans curés. 

D’ordinaire il voyageait avec un autre prêtre. Un jour qu’ils avaient été, pendant une longue course, trempés de pluie par un orage, la nuit déjà avancée, ils ne savaient où trouver un gîte. Enfin, se confiant en Dieu, ils se dirigent vers une ferme, qui dépendait d’un château non éloigné. 

Nos deux voyageurs frappèrent à la porte; ils sont accueillis, réchauffés et réconfortés avec charité. Mais quand ils parlent de passer la nuit dans la maison: Messieurs, dit le fermier, je le voudrais bien, mais impossible! Notre pays est semé d’espions, et si l’on venait à savoir que je vous ai donné l’hospitalité, l’on me ferait, à moi et aux miens, un mauvais parti. Mais, si vous avez du courage, vous trouverez un gîte dans un endroit que je vais vous indiquer, et où les hommes n’iront point troubler votre repos. Près d’ici est le château, dont cette ferme a dépendu; il était encore habité, il y a un certain nombre d’années, mais il ne l’est plus en aucune façon, et personne dans la région ne voudrait y passer une seule heure pendant la nuit. On dit dans toute la contrée qu’il y apparaît d’affreux revenants. Pensez à ce que vous voulez faire, car, encore une fois, c’est bien à contre-coeur que je ne puis vous garder chez moi pendant la nuit. 

— Mon cher ami, répondirent les deux prêtres, qu’à cela ne tienne! Conduisez-nous dans le vieux château, et nous nous y reposerons sous la garde de Dieu.» 

Ce qui fut dit fut fait. Un gros quart-d’heure après, fermier et voyageurs avaient pénétré dans le château, composé de nombreux appartements, parmi lesquels de vastes salles. Le fermier leur en montra plusieurs, l’une en particulier qui possédait un profond et vaste foyer; du bois, mis comme en réserve, se trouvait là: «On pouvait sans crainte, dit le fermier, y faire un bon feu. — Merci, lui disent les deux prêtres, et que Dieu vous récompense de votre charité! Oui, nous allons faire un bon feu, nous sécher parfaitement, et en attendant de nous livrer au sommeil, nous réciterons notre bréviaire.» 

Leur bon guide disparu, les prêtres s’approchent du feu qui avait été allumé, puis se mettent à réciter tranquillement leur bréviaire. Après quelque temps, soudain ils entendent tomber derrière eux, sur la large table placée au milieu de la salle, comme une masse énorme. Ils se retournent instinctivement, et tous deux qu’aperçoivent-ils? Le buste d’un homme, avec la tête, le cou et la poitrine jusqu’à la naissance des jambes. Cet être vivant paraissait très âgé et regardait en silence et fixement, les deux hôtes nouveaux du château. Ceux-ci, sans trop craindre pourtant, étaient stupéfaits. Ils se demandaient ce qui allait se passer, quand peu de temps après, un second personnage mystérieux tombe aussi avec fracas sur la table, et se place derrière le premier, mais sans cesser de demeurer tout à fait visible. Lui non plus n’avait de son corps que le buste, et il paraissait plus jeune que son compagnon. Un certain temps ces deux hommes, réels ou fantastiques, gardent le silence, lorsqu’un troisième, conformé de même manière, vient aussi avec grand bruit les rejoindre. Il paraissait notablement plus jeune qu’eux. 

Jusqu’ici le silence n’avait été rompu par aucun des cinq personnages qui se rencontraient alors dans la salle du château. Les deux prêtres le trouvaient bien long. Tout à coup le plus âgé des trois hommes qui venaient d’apparaître aux ecclésiastiques prend la parole: «Ne craignez rien, leur dit-il: nous ne venons point ici pour vous épouvanter ou pour vous faire du mal. Non, mais nous venons vous demander un service. Voici qui nous sommes. Nous avons été successivement, aïeul, père et fils, les seigneurs de ce château; successivement nous en avons fait un lieu de débauches de toute sorte. Tous trois, et à l’envi, nous en avons couvert les murs de tableaux irréligieux et obscènes. La plupart sont encore sur les murailles des appartements. Toutes les fois que des curieux viennent visiter le château, ces tableaux leur font commettre de nombreux péchés; et à mesure qu’ils se multiplient, nous souffrons davantage en enfer. Eh bien! nous vous en conjurons, ayez pitié de nous! Avant de quitter ces lieux, détruisez toutes ces abominations, afin que nos souffrances n’augmentent plus dans l’enfer!» 

On peut facilement deviner la réponse des deux prêtres: ils promirent d’exécuter fidèlement ce qui leur était demandé. Puis les trois mystérieux personnages disparurent à l’instant. Le lendemain les deux prêtres mirent leur promesse à exécution. 

Voilà, Monsieur le Curé, ce que je tiens d’un ecclésiastique qui avait appris le fait de l’un de ces deux prêtres qui étaient restés cachés en France, au péril de leur vie, pendant la grande révolution. Je n’ai jamais douté de la sincérité du narrateur. 

Puisse ce récit devenir un instrument de zèle et un moyen de faire revivre le préternaturel dans les âmes! 

Agréez, Monsieur le Curé, avec tous mes remerciements, l’assurance de mon profond respect en N. S. F. Pichot. 

Dans une autre lettre que nous écrivit ce religieux le 21 avril 1911, il nous disait: Le vénérable prêtre et religieux qui m’a raconté l’histoire des trois malheureux damnés, fut le P. M. Mirbeau. Après avoir été vicaire dans le Berry, il était entré dans la Compagnie de Jésus. Je préférerais qu’il parût, dans votre récit, plutôt que moi. Pourtant je vous laisse toute liberté.». 

«Il y a un enfer, et j’y suis!» 

Mgr de Ségur raconte le trait suivant: 

«C’était en Russie, à Moscou, peu de temps avant l’horrible campagne de 1812. Mon grand-père maternel, le comte Rostopchine, gouverneur militaire de Moscou, était fort lié avec le général comte Orloff, célèbre par sa bravoure, mais aussi impie qu’il était brave. 

Un jour, à la suite d’un souper fin, arrosé de copieuses libations, le comte Orloff et un de ses amis, le général V., voltairien comme lui, s’étaient mis à se moquer affreusement de la religion et surtout de l’enfer. «Et si, par hasard, dit Orloff, si par hasard il y avait quelque chose de l’autre côté du rideau?... — Eh bien! reprit le général V., celui de nous deux qui s’en ira le premier reviendra en avertir l’autre. Est-ce convenu? — Excellente idée! répondit le comte Orloff, et tous deux, bien qu’à moitié gris, ils se donnèrent très sérieusement leur parole d’honneur de ne pas manquer à leur engagement. Quelques semaines plus tard, éclata une de ces grandes guerres comme Napoléon avait le don d’en susciter alors; l’armée russe entra en campagne, et le général V. reçut l’ordre de partir immédiatement pour prendre un commandement important. 

II avait quitté Moscou depuis deux ou trois semaines, lorsqu’un matin, de très bonne heure, pendant que mon grand’père. faisait sa toilette, la porte de sa chambre s’ouvre brusquement. C’était le comte Orloff, en robe de chambre, en pantoufles, les cheveux hérissés, l’oeil hagard, pâle comme un mort. «Quoi Orloff, c’est vous? à cette heure? et dans un costume pareil? Qu’avez-vous donc? Qu’est-il arrivé? — Mon Cher, répond le comte Orloff, je crois que je deviens fou. Je viens de voir le général V. — Le général V.? Il es donc revenu? — Eh non, reprend Orloff, en se jetant sur un canapé et en pressant sa tête à deux mains, non, il n’est pas revenu! et c’est là ce qui m’épouvante.» 

Mon grand’père n’y comprenait rien. Il cherchait à le calmer. «Racontez-moi donc, lui dit-il, ce qui vous est arrivé et ce que tout cela veut dire.» Alors, s’efforçant de dominer son émotion, le comte Orloff raconta ce qui suit: 

«Mon cher Rostopchine, il y a quelque temps, V. et moi, nous nous étions juré mutuellement que le premier de nous qui mourrait viendrait dire à l’autre s’il y a quelque chose de l’autre côté du rideau. Or, ce matin, il y a une demi-heure à peine, j’étais tranquillement dans mon lit, éveillé depuis longtemps, ne pensant nullement à mon ami, lorsque tout à coup les deux rideaux de mon lit se sont brusquement ouverts, et je vois, à deux pas de moi, le général V., debout, pâle, la main droite sur sa poitrine, me disant: «Il y a un enfer, et j’y suis!» et il disparut. Je suis venu vous trouver tout de suite. Ma tête part! Quelle chose étrange! Je ne sais qu’en penser!» 

Mon grand’père le calma comme il put. Ce n’était pas chose facile. Il parla d’hallucinations, de cauchemars, peut-être dormait-il. II y a des choses extraordinaires, inexplicables; et autres banalités de ce genre, qui font la consolation des esprits forts. Puis, il fit atteler ses chevaux et reconduire le comte Orloff à son hôtel. 

Or, dix ou douze jours après cet étrange incident, un courrier de l’armée apportait à mon grand’père, entre autres nouvelles, celle de la mort du général V. Le matin même du jour où le comte Orloff l’avait vu et entendu, à la même heure où il lui était apparu à Moscou, l’infortuné général, sorti pour reconnaître la position de l’ennemi, avait eu la poitrine traversée par un boulet et était tombé raide mort! «Il y a un enfer, et j’y suis!» Voilà les paroles de quelqu’un qui «en est revenu.» 

Ce fait est raconté par Mgr de Ségur dans son petit ouvrage intitulé: L’Enfer, 4e édition, n. I, p. 34. 

Brûlée au poignet par un damné 

En 1859, le fait suivant fut raconté à Mgr de Ségur par un prêtre distingué, Supérieur d’une importante Communauté religieuse. «Voici ce que j’ai su de source certaine, il y a deux ou trois ans, d’un très proche parent de la personne à qui la chose est arrivée. Au moment où je vous parle (Noël 1859), cette dame vit encore; elle a un peu plus de quarante ans. 

«Elle était à Londres, dans l’hiver de 1847 à 1848. Elle était veuve, âgée d’environ vingt-neuf ans, fort mondaine, fort riche et très agréable de visage. Parmi les élégants qui fréquentaient son salon, on remarquait un jeune lord, dont les assiduités la compromettaient singulièrement et dont la conduite, d’ailleurs, n’était rien moins qu’édifiante. 

«Un soir, ou plutôt une nuit (car il était plus de minuit), elle lisait dans son lit je ne sais quel roman, en attendant le sommeil. Une heure vint à sonner à sa pendule; elle souffla sa bougie. Elle allait s’endormir quand, à son grand étonnement, elle remarqua qu’une lueur blafarde, étrange, qui paraissait venir de la porte du salon, se répandait peu à peu dans sa chambre et augmentait d’instants en instants. Stupéfaite, elle ouvrait de grands yeux, ne sachant ce que cela voulait dire. Elle commençait à s’effrayer, lorsqu’elle vit s’ouvrir lentement la porte du salon et entrer dans sa chambre le jeune lord, complice de ses désordres. Avant qu’elle eût pu lui dire un seul mot, il était près d’elle, il lui saisissait le bras gauche au poignet et, d’une voix stridente, il lui dit en anglais: «Il y a un enfer!» La douleur qu’elle ressentit au bras fut telle, qu’elle en perdit connaissance. 

«Quand elle revint à elle, une demi-heure après, elle sonna sa femme de chambre. Celle-ci sentit en entrant une forte odeur de brûlé; s’approchant de sa maîtresse, qui pouvait à peine parler, elle constata au poignet une brûlure si profonde, que l’os était à découvert et les chairs presque consumées; cette brûlure avait la largeur d’une main d’homme. De plus, elle remarqua que de la porte du salon jusqu’au lit, et du lit à cette même porte, le tapis portait l’empreinte de pas d’homme, qui avaient brûlé la trame de part en part. Par l’ordre de sa maîtresse, elle ouvrit la porte du salon. Plus de traces sur les tapis. «Le lendemain, la malheureuse dame apprit, avec une terreur facile à concevoir, que cette nuit-là même, vers une heure du matin, son lord avait été trouvé ivre-mort sous la table, que ses serviteurs l’avaient rapporté dans sa chambre, et qu’il y avait expiré entre leurs bras. «J’ignore, ajouta le Supérieur, si cette terrible leçon a converti tout de bon l’infortunée; mais ce que je sais, c’est qu’elle vit encore; seulement, pour dérober aux regards les traces de sa sinistre brûlure, elle porte au poignet gauche, en guise de bracelet, une large bande d’or, qu’elle ne quitte ni jour ni nuit. 

«Je le répète. je tiens tous ces détails de son proche parent, chrétien sérieux, à la parole duquel j’attache la foi la plus entière. Dans la famille même, on n’en parle jamais; et moi-même je ne vous les confie qu’en taisant tout nom propre.» 

Malgré le voile dont cette apparition a été et a dû être enveloppée, il me paraît impossible d’en révoquer en doute la redoutable authenticité. À coup sûr, ce n’est pas la dame au bracelet qui aurait besoin qu’on vînt lui prouver qu’il y a vraiment un enfer. 

Mgr de Ségur rapporte ce fait dans son petit livre: L’Enfer, 4e édition, n° 1, p. 37. 

«Je suis damnée! Sors de ce lieu d’infamie.» 

En l’année 1873, quelques jours avant l’Assomption, eut lieu à Rome une de ces terribles apparitions d’outre-tombe qui corroborent si efficacement la vérité de l’enfer. 

Dans une de ces maisons mal famées que l’invasion sacrilège du domaine temporel du Pape a fait ouvrir à Rome en tant de lieux, une malheureuse fille, s’étant blessée à la main, dut être transportée à l’hôpital de la Consolation. Soit que son sang, vicié par l’inconduite, eût amené une dégénérescence de la plaie soit à cause d’une complication inattendue, elle mourut subitement pendant la nuit. 

Au même moment, une de ses compagnes, qui ignorait certainement ce qui venait de se passer à l’hôpital, s’est mise à pousser des cris désespérés, au point d’éveiller les habitants du quartier, de mettre en émoi les misérables créatures de cette maison, et de provoquer l’intervention de la police. La morte de l’hôpital lui était apparue entourée de flammes, et lui avait dit: «Je suis damnée; et, si tu ne veux pas l’être comme moi, sors de ce lieu d’infamie, et reviens à Dieu que tu as abandonné!» 

Rien n’a pu calmer le désespoir et la terreur de cette fille qui, dès l’aube du jour, s’éloigna, laissant toute la maison plongée dans la stupeur dès qu’on y sut la mort de celle de l’hôpital. Sur ces entrefaites, la maîtresse du lieu, une Garibaldienne exaltée, et connue pour telle parmi ses frères et ses amis, tomba malade. Elle fit demander bientôt le curé de l’église voisine, Saint-Julien des Banchi. Avant de se rendre dans une pareille maison, le vénérable prêtre consulta l’autorité ecclésiastique, laquelle délégua à cet effet un digne prélat, Mgr Sirolli, curé de la paroisse du Saint-Sauveur in Lauro. 

Celui-ci, muni d’instructions spéciales, se présenta et exigea avant tout de la malade, en présence de plusieurs témoins, la pleine et entière rétractation des scandales de sa vie, de ses blasphèmes contre l’autorité du Souverain Pontife, et de tout le mal qu’elle avait fait aux autres. La malheureuse le fit sans hésiter, se confessa et reçut le Saint-Viatique avec de grands sentiments de repentir et d’humilité. Se sentant mourir, elle supplia avec larmes le bon curé de ne pas l’abandonner, épouvantée qu’elle était toujours de ce qui s’était passé sous ses yeux. Mais la nuit approchait, et Mgr Sirolli, partagé entre la charité qui lui disait de rester et les convenances qui lui faisaient un devoir de ne point passer la nuit en un tel lieu, fit demander à la police deux agents, qui vinrent, fermèrent la maison, et demeurèrent jusqu’à ce que l’agonisante eût rendu le dernier soupir. Tout Rome connut bientôt les détails de ces tragiques événements. Comme toujours, les impies et les libertins s’en moquèrent, se gardant bien d’aller aux renseignements; les bons en profitèrent pour devenir meilleurs, et plus fidèles encore à leurs devoirs. 

Mgr de Ségur relate ce fait dans son ouvrage: L’Enfer, 4e édition, n° 1, p. 40. 

«Voilà où je suis maintenant!» 

Au village d’Alèn, sur le bord de la rivière Mpiri, qui la-bas, sous l’Équateur, coule paresseusement au travers de la grande sylve africaine, vivait, il y a quelques années, un vieux chef nommé Olane. C’était jadis, racontait-on le soir au foyer, un guerrier illustre, renommé par son courage féroce et sa ruse extrême; au milieu de bien des dangers, il avait conduit son peuple depuis les grands marais de l’intérieur jusqu’aux bords de l’Ogowé, et au milieu des tribus qu’il avait traversées, femmes et enfants prononçaient son nom avec terreur. Femmes et enfants, seuls, car les guerriers, eux, avaient tous succombé, soit dans le combat, soit prisonniers; un à un, victimes en d’épouvantables festins, ils avaient passé sous la dent du chef et de ses principaux guerriers; le soir, par des nuits sombres, on entendait, ainsi le veut la théologie noire, on entendait leurs âmes errer, plaintives, condamnées à de longs tourments, faute des honneurs funèbres qu’elles n’auraient jamais. 

Lorsque je le connus, Olane était un vieux chef, et depuis de longues années, ses cheveux et sa barbe étaient devenus tout blancs. Au contact des Européens et surtout des missionnaires, peu à peu sa férocité d’autrefois avait disparu, ou à peu près. Quand nous venions dans son village faire le catéchisme, et le cas était presque journalier, car à peine deux heures de pirogue séparaient le village d’Alèn de la mission, il nous accueillait généralement bien, et lorsqu’après l’instruction, on engageait avec lui un bout de conversation, à peine un éclair de regret traversait-il encore son regard aux souvenirs des prouesses d’antan. 

Peu à peu, tous les enfants du village étaient venus écouter nos instructions, quelques-uns étaient déjà à la mission, et parmi les hommes, beaucoup, lorsqu’ils croyaient n’avoir rien de mieux à faire, venaient nous écouter. Olane était du nombre. Rarement d’abord il y vint, puis plus souvent, et enfin, il n’y manqua jamais. 

Recevoir le baptême, il l’eût fait volontiers, car à son âge les plaisirs et les gloires de la terre ne comptaient plus guère. Il l’eut fait volontiers sans un obstacle: son frère Etare, féticheur du village. En qualité de frère du chef, chargé, comme il arrive souvent, des fonctions religieuses, le frère d’Olane avait vu avec une irritation croissante son crédit diminuer beaucoup, car nous faisions un progrès sensible, et à maintes reprises, son mauvais vouloir pour nous s’était manifesté. Sans gros jugement téméraire, on pouvait facilement lui attribuer deux ou trois pirogues volées, un commencement d’incendie à la mission, deux ou trois tentatives d’empoisonnement... À le voir, on l’aurait pris pour un coquin, et on ne se serait nullement trompé Maintes fois, Olane l’avait engagé à venir nous écouter: il l’avait fait, mais pour mieux ensuite tourner en dérision, dans des assemblées fétichistes, nos croyances et nos rites. L’enfer, particulièrement, et le rôle des démons avaient, à plusieurs reprises, été l’objet de ses railleries sarcastiques; et tel était, malgré tout, son empire sur son frère, qu’il menaçait journellement du courroux des dieux irrités, qu’Olane, par peur des railleries, de se voir déchu de son rang, et surtout du poison, hésitait et promettait de se faire chrétien, mais plus tard, beaucoup plus tard. 

Or, ce soir-là, il pouvait être minuit. Une tornade furieuse nous avait empêchés pendant le jour d’aller au village. Après les chaleurs énervantes de l’orage, le sommeil était long à venir. Jouissant avec délices de la fraîcheur reposante de la nuit, nous étions sous la véranda de la maison, quand tout à coup des cris sauvages, des lamentations funèbres éclatent dans le sentier qui conduit à la mission, des torches s’agitent, et bientôt un groupe d’indigènes, Olane en tête, apparaissent. 

«Père, un grand malheur! Etare est mort, et nous l’avons revu: il est revenu nous dire: «Voilà où je suis maintenant!» et il brûlait de partout; il a mis ses mains sur la porte, et la porte est brûlée! — Père, nous ne voulons pas aller avec lui! Baptise-nous bien vite! — Oh! oh! m’écriai-je, très surpris, c’est aller vite en besogne! Et je ne comprends pas très bien. Asseyez-vous là, par terre, et ne causez pas tous à la fois. Toi, Olane, parle. Qu’est-il arrivé? 

Et Olane commence: Voici, Père! Ce matin, mon frère Etare est parti à la pêche. Tu as vu la tempête d’aujourd’hui! II a été pris par le vent, et une vague a fait chavirer sa pirogue; du village, nous l’avons vu tomber, mais impossible d’aller à son secours: le vent et la pluie étaient trop forts, et nous ne savions ce qu’il était devenu. Moi, je m’étais retiré dans ma case, tiens, avec celui-ci, et celui-là encore. Et il me montrait deux indigènes qui approuvaient de la tête. Nous parlions d’Etare, quand tout à coup nous l’avons vu près de la porte... — Vous l’avez vu? — Nous l’avons vu, comme je te vois, près de la porte, tout rouge, comme un charbon qu’on tire du feu, tout rouge et il ne se consumait pas! Il vous a parle? — Oui: «Voilà comme je suis maintenant, nous a-t-il dit, et j’espère bien que vous viendrez bientôt me rejoindre!» Et il s’est avancé, et il a piqué le doigt sur ma poitrine, tiens, là, où tu vois un trou noir.» 

Et, en effet, sur la poitrine d’Olane se voyait une marque ronde, trace d’une profonde brûlure. — «Je me suis rejeté en arrière, poussant un cri de terreur: Oh! mon frère Etare! Et il avait disparu; mais sur la porte, près de la poignée, aussi bien que sur ma poitrine, tu pourras voir la trace de ses doigts.» 

Et les autres confirmèrent du geste et de la parole: «Nous avons vu. Ne voulant pas, bien sûr, aller le rejoindre, nous partions en hâte pour venir ici, quand, sur le bord de la rivière, sais-tu ce que nous avons rencontré? le cadavre d’Etare, tout froid, tout glacé, que le flot venait de pousser sur la berge. Les femmes l’ont emporté, et nous, nous voici.» 

Le lendemain, avec Olane et ses compagnons, rassurés et définitivement convertis, je prenais le chemin d’Alèn. Je voulais constater par moi-même les marques noircies du passage d’un damné. Mais quand nous y arrivâmes, un grand feu brûlait à l’orée du village, près du bosquet sacré consacré aux idoles: les débris de la case d’Olane en avaient fourni les matériaux, car on n’avait pas voulu garder, d’accord avec toutes les traditions indigènes, l’endroit où un mort était apparu. Un grand feu brûlait, et au milieu un cadavre achevait de se consumer: c’était Etare, c’était le sorcier; ainsi il ne pourrait revenir tourmenter les vivants. Et tandis que nous étions là, devant le funèbre bûcher, une tête grimaçante se détacha et roula à nos pieds, les mâchoires entrouvertes en un rictus infernal. 

La marque d’Olane ne s’est jamais effacée. Il a reçu le baptême; le village est aujourd’hui chrétien, et le souvenir de ces faits ne s’effacera pas de sitôt. Tout le monde connaît Olane sous ce nom: Le frère du maudit. 

Cette apparition terrifiante est racontée par le père H. Trilles, dans le Messager du Saint-Esprit, janvier 1910, page 11 et suivantes. «C’est l’impureté qui m’a damnée!» 

Le R. P. Jean-Baptiste, capucin, raconte le fait suivant dans sa petite revue: Le Propagateur des trois Ave Maria (février 1909, p. 40): 

Un religieux Rédemptoriste, pieux, zélé, éclairé, nous transmet le récit que nous rapportons ici. Il a tous les caractères de la vraisemblance, et il est de nature à faire réfléchir sérieusement les âmes qui suivent la voie de la perdition. Voici ce fait, avec les commentaires du religieux missionnaire «Une excellente chrétienne, mère d’une nombreuse famille, m’a raconté le fait suivant, dont elle garantit la certitude. «J’avais, dit-elle, une amie d’enfance, qui eut le malheur d’épouser un vaurien. Elle s’était dit: Je le convertirai. Et c’est lui, comme il arrive presque toujours, qui la pervertit et la damna. Déjà, il avait perverti et fait mourir de misère sa première femme. Un jour, j’apprends la mort de mon amie. La nuit, avant de m’endormir, je me dis: «Si elle n’est pas en enfer, elle doit avoir bien besoin de mes prières!» et je me mis à prier pour elle. Soudain, elle m’apparut et me dit: «Ne prie pas pour moi, je suis damnée! C’est l’impureté qui m’a fait mourir et qui m’a damnée!» Et elle disparut. 

«Mon Père, ajouta-t-elle, avec un accent convaincu;. ce n’est pas un rêve, j’étais parfaitement éveillée. Oui, je l’ai vue, de mes yeux, et entendue, de mes deux oreilles, et ce n’est pas à moi qu’il faut dire: II n’y a pas d’enfer, personne n’en est revenu; moi qui ai vu et entendu une damnée me dire: «Ne prie pas pour moi, je suis damnée! C’est l’impureté qui m’a fait mourir et qui m’a damnée!» 

L’impureté, ajoute le missionnaire, est la grande porte de l’enfer. Sur cent damnés, dit saint Alphonse, quatre-vingt-dix-neuf sont en enfer à cause de l’impureté, et le centième n’y est pas sans l’impureté. 
  
  

Conclusion 

Les exemples que nous venons de citer ne doivent décourager personne. Efforçons-nous de bien servir Dieu; évitons soigneusement le péché mortel, ainsi que le péché véniel; rentrons en grâce avec Dieu aussitôt que nous avons eu le malheur de l’offenser mortellement; honorons fidèlement la très sainte Vierge, et certainement nous éviterons l’enfer. N’oublions pas ces paroles de saint Alphonse de Liguori: «Il est moralement impossible qu’un serviteur de Marie se damne, pourvu qu’il la serve fidèlement et qu’il se recommande à elle». Doux Coeur de Marie, soyez mon salut 

source = http://apostolat.com 

JesusMarie.comAlexis@JesusMarie.com

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